Redécouvrons le boulevard

Le boulevard Gambetta est l'une des principales entrées sur Tourcoing. Malheureusement au fil des années il était devenu dangereux avec des trottoirs en mauvais état et une chaussée dégradée. Les travaux, qui ont débuté en juillet, ont donc pour objectif de redonner une nouvelle jeunesse à cet axe principal entre la ville et une grande partie de la métropole.

L’affirmation d’une puissance  

« Un quartier vient d’être ouvert par nos édiles (1). Le boulevard qui vient d’être tracé s’étend au loin au milieu de riantes campagnes. » Ainsi un journal de l’époque raconte-t-il le percement en 1872 du boulevard Gambetta. Il s’est d’abord appelé le boulevard de Roubaix puisqu’il avait vocation à relier les deux communes. « Ces deux villes en plein essor n’étaient reliées auparavant que par des petites rues. La création du boulevard Gambetta résulte d’une forte volonté politique, explique Elsa Escudié, responsable du Label Ville d'Art et d'Histoire de la Ville de Tourcoing. Comme le Grand boulevard de l’avenue de la Marne, cette grande artère accueillant des équipements publics comme le lycée et des maisons de maîtres devait symboliser la prospérité et la puissance des villes et de leurs dirigeants. » Le boulevard a pris le nom de Gambetta en 1883 après la mort de l’homme d’Etat. 

 (1) élus. 

 

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Un lycée pionnier

Son lycéen le plus célèbre fut l’avocat et écrivain roubaisien Maxence Van der Meersch. La construction du lycée Gambetta illustre aussi une forte volonté politique. Accueillant des garçons de 5 à 17 ans, il ouvre en 1885, soit 14 ans après les lois Ferry rendant l’école gratuite et obligatoire. Partout en France, des écoles républicaines se construisent en opposition aux écoles catholiques qui dominaient jusque-là. Dans cette « guerre scolaire », le lycée voulu par les élus tourquennois et imaginé par l’architecte Carlos Batteur est l’un des premiers de la métropole. L’établissement propose une formation où les sciences dominent, pour former des cadres supérieurs dans l’industrie et le commerce (1). 

Avec sa façade longue de 144m, on le remarque ! Celle-ci est typique de l’architecture scolaire de la IIIème République : un bâtiment néoclassique très symétrique, pour bien se différencier du style néogothique des établissements catholiques. Tels des inspirateurs, de grands savants français sont représentés sur des médaillons de terre cuite posés sur cette façade. 

À l’intérieur, dans un souci hygiéniste, les différents espaces de vie étaient bien séparés, avec les bâtiments accessibles au public côté rue, des équipements collectifs (réfectoire, dortoirs) au milieu et les salles de classe au fond. Cette organisation n’a été modifiée qu’en 2009. Avant le lancement du chantier, la professeure documentaliste Aude de Vinck et la chercheuse Karine Girard y ont trouvé de nombreux outils d’enseignement (plâtres, maquettes) bien préservés.

 (1) Le lycée Gambetta de Tourcoing - Une histoire militante. Paru en 2017 aux éditions Lieux dits. 

 

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L’église du Sacré-Cœur et ses vitraux 

L’église a été l’un des premiers bâtiments construits sur le boulevard. Ses vitraux d’un bleu profond créés par l’atelier Lorrin de Chartres ont séduit en 2019 la Direction Régionale des Affaires Culturelles. Les vitraux mais aussi toute l’église de brique et de pierre sont désormais inscrits aux Monuments historiques. Ce ne sont pas les vitraux d’origine car ceux-ci ont été détruits pendant la guerre 14-18. Ce vaste édifice néogothique aux allures de cathédrale a été dessiné par l’architecte tourquennois Louis Croin. Parmi ses points d’intérêt, une chaire en bois sculpté illustre les sept vertus cardinales. 

 

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Le « monument en panne »

Au bout du boulevard Gambetta, il signe l’entrée du Centre-Ville. Haut de 14m, long de 40m, le monument aux morts de la guerre 14-18 ne passe pas inaperçu. Ce monument en pierre et granit met en scène des soldats montant depuis les tranchées vers une figure féminine représentant la Victoire ailée sur un cheval. Une originalité car les monuments aux morts français mettent rarement en scène la victoire. Les noms de 2531 soldats morts au front et de 177 civils tués pendant l’occupation allemande y sont gravés. 

Sa construction n’a pas été de tout repos. Le projet est lancé en 1919 par le conseil municipal, qui choisit en 1923 un architecte parisien, Édouard Monestes et un sculpteur du Valenciennois, Lucien Brasseur. Les litiges et retards s’accumulent ensuite, notamment pour des malfaçons sur les pierres de taille livrées par une carrière de la région parisienne. Le monument « Vers la Victoire » est inauguré seulement le 17 mai 1931. Un an après, un journal local constate que ses marches s’effritent ! L’œuvre a été inscrite aux Monuments historiques.  

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Le blockhaus Speedy  

Situé à l’angle Gambetta-Carlier, il est un exemple des nombreux blockhaus construits dans le secteur pour accueillir le Quartier Général de la XVème armée allemande, lors de l’occupation. Découvrez cette page de l’histoire de la Ville au Musée du 5 juin 1944, 4 bis avenue de la Marne.

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Le théâtre d’un double crime  

Le 28 août 1907, un passant remarque un filet de sang sous la porte du 42 boulevard Gambetta. Dans la maison, la police trouve les corps de Pauline Alientin, servante de la propriétaire Madame Vandamme et d’une fillette de douze ans, Madeleine Vanderveghem. Le neveu de la propriétaire avoue les crimes. Mis à la porte par sa logeuse, il était venu voler sa tante. Surpris par les deux victimes, Paul Vandamme les a tuées à coups de marteau après avoir dérobé « 15 francs constituant toutes les économies de la servante », écrit le journal Le Petit Parisien. Le 8 novembre, les assises du Nord condamnent le meurtrier à être exécuté « sur la place publique ». L’homme mourra finalement au bagne de Cayenne en Guyane.

  

La tour Mercure, espoir de prospérité retrouvée

Inaugurée en 1977, ce centre d’affaires offre lors des Journées du patrimoine un beau panorama avec ses 49,9m de haut. Située à cheval sur Tourcoing et Roubaix, la tour devait symboliser le retour de l’emploi dans les deux villes frappées par la crise économique. Ce bâtiment futuriste tranchant dans le paysage est l’œuvre de l’architecte Jean Willerval. 

 

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La Virgule

Au numéro 82, La Virgule, centre transfrontalier de création théâtrale, s’est installée dans un hôtel particulier achevé en 1901 pour le filateur Jules Desurmont-Motte. La demeure, achetée en 1978 par la Ville, a accueilli en 1988 la Compagnie Jean-Marc Chotteau. Elle y a créé le Salon de théâtre, petite salle propice au théâtre « de chambre », en petit comité. La compagnie s’est associée avec le centre culturel mouscronnois pour donner naissance à La Virgule. 

Son jardin mélange deux styles : un jardin à la française, très géométrique au centre et un jardin à l’anglaise plus végétalisé, sur les bords. Cet espace de 4200m2 est devenu un jardin public bien agréable. 

 

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Charles Bourgeois, star du boulevard

Né et mort à Tourcoing, Charles Bourgeois (1878-1941) a construit dans la région de nombreux bâtiments Art nouveau puis Art déco. Lors de ses études en Belgique, ce fils d’architecte avait été influencé par Victor Horta et Paul Hankar, grandes figures de l’Art nouveau. 

Charles Bourgeois a dessiné des édifices variés : maisons bourgeoises, magasins, immeubles de bureaux et bâtiments religieux dont l’église Sainte-Thérèse-de-l’Enfant-Jésus à Wattrelos. 

Sur le prestigieux boulevard Gambetta, l’architecte tourquennois a signé plusieurs maisons. 

 

Au numéro 59 l’ancienne boulangerie le Pain normal français est classée Monument historique. Charles Bourgeois a utilisé le métal (un linteau en fonte au-dessus de la grande ouverture ronde de l’étage) et la brique vernissée. Les vitraux sont une des caractéristiques des styles Art nouveau et Art déco.

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Aux numéros 191 et 193, ces maisons se ressemblent beaucoup mais ont leurs particularités. La première est en brique, la deuxième en brique et pierre. Elles ont toutes les deux un bow-window, pointu au 191, carré au 193. 

 

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La grande maison du numéro 272 présente un style beaucoup plus classique.

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